Friday, February 13, 2009

ISRAËL • Pourquoi les Israéliens ont voté pour Kadima


Donné perdant par les sondages, laminé par les échecs et la corruption, le parti de Tzipi Livni arrive néanmoins en tête du scrutin. Cette courte victoire ne lui permettra pas nécessairement de former un gouvernement, mais elle constitue une vraie surprise.
Tzipi Livini, au siège de son parti, 11 février 2009
AFP
La phrase suivante aurait pu être écrite peu avant la fermeture du scrutin : [le parti de centre droit de Tzipi Livni] Kadima n'est pas seulement une surprise, Kadima est un phénomène. Quand, il y a trois ans, Ariel Sharon, son fondateur, est tombé dans le coma peu après sa création, certains avaient prédit que le parti disparaîtrait dans les abîmes de l'Histoire. Ils affirmaient qu'Ehoud Olmert était arrivé au pouvoir en s'accrochant aux basques de Sharon et que c'était le départ de la bande de Gaza et l'évacuation relativement tranquille du Goush Katif [été 2005] qui avaient propulsé Kadima au sommet. Tzipi Livni, une femme qui n'est entrée que récemment en politique, a su mener Kadima jusqu'en finale. Elle a contraint Benyamin Nétanyahou, qui était en tête dans les sondages, il y a encore deux semaines, à se battre comme un fou jusqu'au jour du scrutin. Kadima, qui a commencé avec une promesse de big bang et a rassemblé des personnalités expérimentées de tous horizons, a également distancé le Parti travailliste, formation qui a fondé le pays.

Qu'ont donc accompli Livni et son équipe pour que les électeurs, ces mêmes électeurs qui les soutenaient il y a trois ans, les préfèrent au Likoud, au Parti travailliste et au Meretz ? Il y a deux ans et demi, ils ont provoqué l'apparition d'un million de réfugiés dans leur propre pays avec une guerre [contre le Hezbollah libanais] qui a fait plus de 160 morts et s'est terminée par une commission d'enquête qui les a taillés en pièces. Du désengagement, des négociations avec Mahmoud Abbas et des colonies illégales, il ne reste que des titres dans de vieux journaux. La promesse que le retrait de Gaza assurerait la sécurité des villes de l'ouest du Néguev a volé en éclats avec les missiles Grad qui ont frappé le centre du Néguev. Le Hamas a pris le pouvoir dans la bande de Gaza et étendu son influence à la Cisjordanie. Et [le soldat israélien aux mains du Hamas] Gilad Shalit est toujours prisonnier.

Kadima a surfé sur le dégoût provoqué par les décisions – publiques et secrètes – du Likoud et le désir d'avoir un gouvernement propre. Il a survécu aux nombreuses enquêtes sur le Premier ministre, à la condamnation du vice-Premier ministre Haïm Ramon, à la mise en accusation du ministre des Finances Abraham Hirschson et au procès de l'ancien ministre Tzachi Hanegbi. On a du mal à comprendre ce qui attire les masses israéliennes vers Kadima. Peut-être est-ce parce que la mémoire collective est courte ou peut-être est-ce que le "succès" de l'opération Plomb durci [l'offensive israélienne de janvier 2009 à Gaza] a fait oublier la mascarade de la deuxième guerre du Liban. Peut-on s'attendre à ce que tout le monde se rappelle que le Premier ministre n'est plus élu au suffrage direct ? Ceux qui l'ont oublié doivent se souvenir qu'ils ne votent pas uniquement pour le chef d'un parti mais pour un parti dans son ensemble, avec sa politique et son idéologie. Ou peut-être que le secret de Kadima réside dans la formule qui avait permis au stratège Reuven Adler de mener Sharon et Olmert au pouvoir et qu'il a répétée pour Livni : tuez le plus d'Arabes possibles et parlez de paix le plus possible.

Akiva Eldar
Ha'Aretz

source : courrier international

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