Mondialisation.ca, Le 17 janvier 2010
Dans sa déclaration sur le tremblement de terre d’Haïti, le président américain Barak Obama a parlé de la « longue histoire qui lie [nos deux pays] ». Ni lui ni les médias américains ne se sont cependant montrés très enclins à regarder de près l’histoire de ces relations et son influence sur la catastrophe que doit actuellement affronter le peuple haïtien.
On présente comme une situation naturelle et même comme la faute des Haïtiens eux-mêmes l’état d’arriération et de pauvreté du pays ayant joué un rôle si important dans la multiplication des victimes. Celles-ci se comptent en dizaines et peut-être même en centaines de milliers. Les Etats-Unis sont présentés comme des bienfaiteurs, prêts à venir en aide à Haïti avec des dons, des équipes de secours, des navires de guerre et des Marines.
Un éditorial cynique et malhonnête du New York Times de jeudi commence ainsi : « Une fois de plus le monde pleure avec Haïti » ; ce pays est ensuite décrit comme étant caractérisé par « la pauvreté, le désespoir et le dysfonctionnement qui seraient un désastre partout ailleurs mais qui, à Haïti, sont la norme. »
Et l’éditorial de poursuivre : « Regardez Haïti et vous verrez ce que des générations de mauvais gouvernement et de conflit politique font à un pays. »
Dans un article destiné à montrer les dessous du désastre haïtien, le New York Times dit encore que ce pays « est connu pour ses nombreux malheurs qui sont le produit de l’homme – sa grande misère, ses conflits politiques internes et sa propension à l’insurrection ».
Dans un court éditorial plus dédaigneux encore, le Wall Street Journal célèbre le fait que c’est l’armée américaine qui va jouer le principal rôle dans la réaction de Washington au tremblement de terre, ceci étant « un nouveau rappel que l’étendue de la puissance de Washington correspond à l’étendue de sa bonté ».
Il poursuit en faisant une comparaison indécente entre le tremblement de terre d’Haïti et celui qui a frappé le sud de la Californie en 1994 et au cours duquel sont mortes soixante-douze personnes. Le journal déclare que « la différence réside dans la fonction d’une société créatrice de richesse et respectueuse de la loi qui peut se permettre, entre autres choses, les dépenses liées à de véritables normes de construction ».
Le message est clair : s’ils ont à déplorer des centaines de milliers de morts et de blessés, les Haïtiens n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes car ils n’ont pas su créer des richesses suffisantes et ils ont manqué de respect vis-à-vis de la loi et de l’ordre.
Ce qu’on cache délibérément à l’aide de cette comparaison c’est le rapport véritable qui s’est établi en plus d’un siècle entre la « création de richesse » aux Etats-Unis et la pauvreté d’Haïti. C’est là un rapport basé sur l’usage de la force à la poursuite des intérêts prédateurs de l’impérialisme américain dans un pays opprimé au cours de l’histoire.
Si l’administration Obama et le Pentagone réalisent les plans rapportés dans la presse de déployer un corps expéditionnaire de Marines à Haïti, ce sera la quatrième fois en quatre-vingt quinze ans que les forces armées américaines auront occupé cette nation appauvrie des Caraïbes. Cette fois-ci encore, l’objectif principal d’une telle opération militaire sera de défendre les intérêts des Etats-Unis et de se prémunir contre ce que le Times appelle la « propension à l’insurrection », plutôt que d’aider le peuple Haïtien.
La nature de ces relations remonte à la naissance d’Haïti en tant que première république noire indépendante en 1804 et qui fut le résultat d’une révolution d’esclaves dirigée par Toussaint Louverture et de la défaite ensuite d’une armée française envoyée par Napoléon.
Les classes dirigeantes du monde n’ont jamais pardonné à Haïti sa victoire révolutionnaire. Haïti fut soumise à un embargo international dirigé par les Etats-Unis qui craignaient que l’exemple haïtien n’aille inspirer une révolte similaire dans les Etats esclavagistes du Sud. Ce ne fut qu’avec la sécession du Sud et la Guerre civile que le Nord reconnut Haïti – quelque 60 ans après son indépendance.
Au début du vingtième siècle, Haïti passa sous la domination des Etats-Unis et des banques américaines, dont les intérêts furent défendus par l’envoi des Marines et une occupation de plus de 20 ans, maintenue au moyen d’une répression sanglante de la résistance haïtienne.
Les Marines ne quittèrent l’île qu’après avoir réalisé une « haïtianisation » -- comme le New York Times l’appela à l’époque – de la guerre contre le peuple haïtien en construisant une armée vouée à la répression interne.
Par la suite, Washington appuya la dictature des Duvalier qui dura trente ans et commença avec l’arrivée au pouvoir de Papa Doc en 1957. Des milliers d’Haïtiens moururent aux mains de l’armée et des redoutés Tontons macoute mais l’impérialisme américain considérait cette dictature meurtrière comme un rempart contre le communisme et la révolution dans les Caraïbes....
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